Au Burundi, les femmes représentent 55% de la population. Elles sont particulièrement actives dans le domaine de l’agriculture, le principal secteur d’activité économique du pays. Pourtant, malgré ce rôle essentiel des femmes dans la survie économique du pays, la participation politique de celles-ci reste elle, très limitée. Ceci reflète les défis auxquels sont confrontées les femmes, face à la tradition et la culture patriarcale encore bien ancrée. En matière de protection sociale, près de 90 % de la population n’a aucune couverture santé. Les plus touché·e·s sont les communautés rurales et les travailleuses·eurs de l’économie informelle [1], majoritairement des femmes. Elles·ils peuvent se retrouver exposé·e·s à des dépenses catastrophiques, en cas de maladie, qui peuvent plonger les familles dans une grande précarité.
C’est pourquoi Solsoc soutient depuis de nombreuses années des initiatives visant à étendre l’accès à la santé et à la protection sociale aux personnes actives dans l’économie informelle. Avec l’appui de Solidaris, Solsoc accompagne des mutuelles de santé communautaires dans 4 pays d’Afrique, dont le Burundi. Pour un travailleur ou une travailleuse de l’économie informelle, le fait de s’affilier à une mutuelle de santé communautaire lui permet de bénéficier d’un accès aux soins de base et d’une couverture santé complémentaire pour les soins hospitaliers, et ainsi de se faire soigner sans se ruiner. En tant que système contributif, solidaire et basé sur la prévoyance, une mutuelle de santé évite à ses membres l’appauvrissement que peuvent provoquer des dépenses inattendues. Mais au-delà, c’est aussi un système démocratique, assurant une représentativité de ses membres. Les mutuelles de santé peuvent aussi jouer un rôle important dans la réduction des inégalités de genre, en tant qu’organisation sociale ancrée dans les communautés.
Femmes et santé : les mutuelles en première ligne
Selon Espérance Kaneza, Secrétaire exécutive de la Plateforme des Acteurs Mutualistes du Burundi (PAMUSAB), une organisation partenaire de Solsoc, les mutuelles de santé exercent un rôle important de sensibilisation au sein de la communauté sur les questions de genre. Elle explique : « Les femmes africaines en général et en particulier les femmes burundaises sont largement impliquée dans les soins de santé de sa famille. Au sein des mutuelles, on observe que les séances de sensibilisation à l’adhésion aux mutuelles rassemblent une large majorité de femmes. Cette participation est motivée par le fait que ce sont les femmes qui sont toujours présentes lors de l’administration des soins quand un membre de la famille a besoin de recourir aux services de santé. Mais le constat est que dans les instances de prise de décision, elles ne sont jamais suffisamment représentées, car la société patriarcale donne moins de pouvoir aux femmes. En considérant les origines de ces inégalités et leur ancrage dans la société, un processus de changement progressif s’impose ». De plus, selon Espérance, les mutuelles de santé jouent un rôle clé dans la sensibilisation aux enjeux qui touchent à la santé, en particulier la santé sexuelle et reproductive. Elles permettent ainsi aux femmes de se réapproprier cet aspect de leur santé, par une meilleure compréhension de son fonctionnement, et leur rappellent qu’elles sont seules maîtresses de leur corps.
La promotion de la masculinité positive au Burundi
Pour réduire les inégalités de genre, les mutuelles de santé ont décidé d’agir en s’appuyant sur deux approches : favoriser la représentation des femmes dans les instances de prise de décision et contribuer au changement de comportement par la promotion de la « masculinité positive ». Espérance revient sur cette deuxième approche : « La masculinité positive encourage les hommes par des techniques de sensibilisation et de prise de conscience à participer aux tâches domestiques comme laver les enfants, faire la cuisine, faire la lessive, garder les enfants… Des séances de sensibilisation avec des leaders des mutuelles ont été menées pour amorcer ce changement. Lors de ces séances, on revient sur l’importance et les bénéfices du partage du pouvoir au sein des foyers. On amène les hommes à se rendre compte du travail pénible que supportent les femmes dans la société tout en montrant les conséquences de cette position de pouvoir accordée qui n’est pas sans conséquence sur la vie des hommes eux-mêmes. Une prise de conscience des hommes les conduira à accepter de partager le pouvoir et les charges au sein de leurs foyers et de la société ».Mais les femmes ne sont évidemment pas oubliées dans cette approche. « On les amène à comprendre qu’elles peuvent assumer des rôles dits d’hommes. La finalité est de pouvoir amener les femmes à se sentir capable, développer leur leadership, à s’autonomiser et les amener à se faire élire au niveau de la mutuelle et à lutter pour amener les changements dans la société ».
Solsoc est une organisation non gouvernementale (ONG) agréée par la Coopération belge au développement (DGD). Elle est l’une des organisations de solidarité internationale de l’Action commune socialiste. En partenariat avec différentes composantes de celle-ci, Solsoc soutient des mouvements sociaux en et des organisations de la société civile en Afrique, Amérique latine et au Proche-Orient afin de contribuer à un changement social progressiste, laïque et démocratique.
Plus d’infos : www.solsoc.be – Faire un don : BE52 0000 0000 5454
[1] L’OIT définit l’économie informelle comme « toute activité économique réalisée par des travailleurs ou des unités économiques qui n’est pas couverte ou est insuffisamment couverte – selon la loi ou en pratique – par des dispositions officielles (sur la base de la CIT de 2002) »