
En Belgique comme ailleurs, les femmes font encore et toujours face à de nombreuses inégalités et discriminations, notamment sur le marché du travail. En effet, la ségrégation horizontale et les stéréotypes de genre les assignent et les relèguent principalement aux secteurs liés aux soins (soins infirmiers, accueil de la petite enfance, aide à domicile, etc.) et aux services (secteur du nettoyage, de la distribution, etc.). Des métiers généralement dévalorisés au sein de la société et où les conditions de travail sont particulièrement pénibles et très peu reconnues par l’État. À cela s’ajoute des contrats de travail précaires, avec des horaires flexibles et/ ou décalés, des temps-partiel contraints et des salaires trop bas, parfois en-dessous du seuil de pauvreté.
Toutes ces raisons expliquent pourquoi, en 2023, six malades de longue durée sur dix étaient des femmes. Comme le constate Amélie Hosdey-Radoux, conseillère politique chez Solidaris, « ces chiffres ne sont pas étonnants. Les troubles musculosquelettiques ou liés à des problématiques de santé mentale concentrent presque 70 % des causes de l’invalidité en Belgique. Or, on le sait, ce sont les femmes qui sont majoritairement touchées par ces risques en raison non seulement de leurs conditions de travail mais aussi du stress lié à la charge mentale de devoir concilier leur vie professionnelle et privée ».
La coalition Arizona : un danger pour les droits des femmes
Or, plutôt que de s’attaquer aux causes collectives de l’invalidité, le nouveau gouvernement fédéral concentre toute sa politique sur le principe d’activation, et donc de responsabilisation en remettant un maximum de personnes sur le marché du travail, au détriment de leur santé et de la mise en place de mesures visant à prévenir les risques liés aux conditions de travail. Pour y parvenir, la coalition Arizona compte mettre en place toute une série de mécanismes de contrôle et de sanctions ; allant jusqu’à dissuader les médecins de remettre des certificats de maladie à leurs patient·e·s.
L’accord de coalition prévoit par ailleurs une flexibilisation accrue du travail et un durcissement de l’accès à la pension anticipée. Toutes ces propositions de réformes ne prennent pas du tout en compte les spécificités de genre alors que les femmes et les minorités sont toujours les premières personnes à souffrir des politiques ultralibérales et antisociales.
Pour une prise en compte globale des enjeux genrés
À contrario, Soralia, Sofélia et Solidaris revendiquent la prise en compte de tous les paramètres et contextes qui plongent les femmes dans des situations d’invalidité. Comme l’explique Wivynne Gaziaux, experte socio-économique chez Soralia, « il faut une réflexion globale quant à la place des métiers du care dans notre société visant la revalorisation des salaires et la reconnaissance de leur pénibilité. À l’heure actuelle, cette lourde charge repose injustement et en grande partie sur les épaules des femmes, qui s’épuisent. Mais demain, si les femmes ne sont plus en mesure d’assumer ces tâches faute d’avoir été, elles aussi, préservées et respectées, qui garantira le bon fonctionnement et la pérennisation de notre société ? ».
Pour Anissa d’Ortenzio, experte santé chez Soralia, « le problème est aussi qu’il existe un tabou en matière de santé par rapport aux pathologies féminines (cancer du sein, endométriose, ménopause, etc.). Celles-ci ont tendance à être invisibilisées et par conséquent, elles ne sont pas du tout prises en compte dans l’adaptation de leur environnement de travail. Sans oublier que, globalement, les femmes sont moins bien soignées que les hommes (retard de diagnostic, méconnaissances des spécificités féminines, etc.), ce qui aura nécessairement un impact sur leurs capacités à reprendre le travail par exemple ».
En raison des inégalités de genre, les femmes présentent des profils spécifiques, que nos politiques passent totalement sous silence. Or, le droit au travail et à la santé sont des droits fondamentaux qui devraient être accessibles à toutes et tous, sans distinctions. L’un et l’autre se répondent et doivent être envisagés comme un continuum. S’attaquer aux règles qui régissent le travail, aux conditions d’accès à la pension, c’est compromettre la santé des femmes, et plus globalement, leurs droits. Nous dénonçons donc la stigmatisation des malades de longue durée et appelons nos dirigeant·e·s politiques à s’interroger sur le modèle de société que nous souhaitons pour l’avenir, dans lequel la place des femmes est un enjeu capital.