
4 mères ont accepté de nous raconter les difficultés auxquelles elles ont été confrontées lors de la recherche d’une place d’accueil.
SONIA [1]
Je suis maman de jumixte de 2 ans et demi. J’étais à deux mois de grossesse quand j’ai commencé à faire mes recherches pour une place d’accueil. Mon compagnon et moi-même étions sur nos pc, moi sur ma boîte mail, lui avec une carte reprenant toutes les adresses d’accueillant·e·s et de crèches, privées comme public. On a vraiment été très loin sur le plan géographique.
Le fait d’attendre des jumeaux avait un impact important sur le prix. Je payais plus de 800 euros/ mois pour un accueil subventionné et souvent, on ne me proposait qu’une place pour un seul de mes deux enfants. Logistiquement si on avait dû séparer les enfants, on l’aurait fait, mais ça aurait été compliqué.
Heureusement, j’ai finalement trouvé une accueillante prenant mes deux enfants à 1 mois de mon accouchement. On a fait une demande pour un accueil de 4 jours par semaine, car nos mères voulaient toutes les deux s’en occuper un jour ensemble. Entretemps, ma maman a développé un cancer du sein qui s’est déplacé sur la colonne vertébrale. Elle ne pouvait donc plus porter les enfants et on ne voulait pas faire porter à l’autre grand-mère le poids de deux bébés. Au départ, l’accueillante ne pouvait pas prendre nos enfants pour une journée supplémentaire, mais finalement un autre enfant est parti et elle a pu le faire. Heureusement qu’elle était là !
CARINE
Mon fils a 14 ans aujourd’hui, mais je voulais tout de même témoigner, car la situation ne semble pas avoir changé. J’étais en couple depuis 2 ans et lorsque je suis tombée enceinte, mon compagnon m’a laissée tomber. Je me suis retrouvée seule à devoir assumer une grossesse, ce que je n’avais pas du tout envisagé.
C’était ma première grossesse, avec évidemment toutes les questions que ça pouvait engendrer et en prime, ce choc psychologique. Je vivais du côté de Namur, mais je travaillais à Charleroi. Mon employeur à l’époque voulait me muter à Liège. Cette situation générait beaucoup de stress, car il fallait trouver une place en crèche avec une amplitude horaire adaptée à mes propres réalités professionnelles.
Comme tout le monde, j’ai attendu les 3 mois de grossesse pour faire des demandes de places en crèche. J’ai commencé à téléphoner à gauche, à droite. Je cherchais initialement des crèches les plus proches de mon domicile. Comme j’étais seule, je n’ai pas cherché du côté des crèches privées parce que les tarifs sont assez élevés. Lorsqu’on prenait mes coordonnées et que j’indiquais qu’il n’y avait pas de papa, il y avait généralement un blanc. Les 2-3 premières fois, je n’ai pas trop relevé. Mais une fois, une dame m’a clairement dit que le fait d’être seule représentait un problème, car les mamans solos ne payaient pas toujours. Je n’ai essuyé que des refus.
Finalement, j’ai eu une réponse d’une accueillante à domicile. Ça me faisait faire un détour de 20 km et les horaires ne me convenaient pas. En plus, il n’y avait pas de place le mercredi. À contrecoeur, je n’ai finalement pas pris le poste à Liège et j’ai changé de fonction pour pouvoir rester à Charleroi.
Ma maman, qui travaillait encore à l’époque a pris sa pension pour pouvoir me soutenir. Mais pour elle aussi, il y avait une vingtaine de kilomètres depuis son domicile et je ne voulais pas lui imposer la charge d’un bébé. J’ai rencontré l’accueillante et j’étais enchantée. Malheureusement, un mois avant la reprise de mon travail, celle-ci m’annonce qu’elle a un cancer et qu’elle va devoir interrompre son activité. Je me retrouvais de nouveau sans place. Entre cette absence de place, l’arrivée du bébé et mes évolutions professionnelles, tout cela a généré énormément de stress.
Le dernier mois avant la reprise a vraiment été pour moi très compliqué. J’allaitais en alternance, ma tension était alors faible, probablement à cause du stress. J’ai donc été prolongée de 15 jours après la fin de mon congé maternité.
Ils ont été obligés de retrouver des places pour les enfants qui étaient placés chez cette dame. Un mois plus tard, on m’avait trouvé une nouvelle place en crèche, du côté de Saint-Servais et toujours 4 jours par semaine. J’ai dû prendre un crédit temps en 4/5e. Même si je ne le regrette pas, il m’a été imposé à l’époque, ce n’était pas un choix.
Le fait d’être une maman solo a clairement représenté un frein selon moi pour trouver une crèche. À chaque fois que l’on me demandait le nom du papa à l’hôpital ou dans les milieux d’accueil et que je disais que j’étais seule, je sentais comme un manque de compréhension. Je ne cherchais pas à me faire plaindre, mais j’aurais aimé un peu de compassion.
CHARLINE
Je suis enceinte de 5 mois, je serai maman solo quand le bébé viendra au monde.
J’ai commencé dès le 3e mois à faire les inscriptions en sachant que c’était bouché. Je suis bien consciente des inégalités femmes-hommes en général et de la saturation des milieux d’accueil. Mais je n’étais pas prête à l’impact psychologique que les mises en attente et refus allaient avoir sur moi.
Je suis censée accoucher en octobre, je sais que jusqu’août-septembre, ça ne sert à rien de stresser, mais en étant famille mono, la seule solution qui m’attend en janvier si je ne trouve pas de crèche sera de prolonger mon congé maternité et je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas si le médecin peut faire des arrêts maladie faute d’autre solution.
Je suis en train de faire des démarches auprès de l’ONE pour avoir des contacts avec des assistants sociaux et essayer d’identifier des pistes.
Je devrais être dans un autre état d’esprit, en train de préparer la chambre du bébé. Mais là, je projette plein d’anxiété avec peu de solutions proposées par les interlocutrices·teurs avec qui j’ai pu échanger.
La seule crèche qui a engagé un dialogue un peu constructif avec moi était une crèche privée, ce qui n’est pas tenable financièrement. Sur Instagram, je suis bombardée de pubs pour des crèches privées, mais si je pars sur cette alternative, il me restera moins de 200 euros pour vivre. Ça génère encore plus de stress, aucun repos mental, car c’est totalement inaccessible pour moi.
SOFIA
Ma fille est rentrée en crèche fin janvier 2025 alors qu’elle est née en septembre 2023. On a fait les recherches comme tous les autres parents à partir des 3-4 mois de grossesse, dès que j’ai eu le papier attestant que j’étais enceinte. Très vite, on s’est inscrits sur plusieurs listes d’attente. Mais tandis que la grossesse avançait, il n’y avait toujours aucune place à l’horizon.
En faisait des recherches, je suis tombée sur un article de la Ligue des familles qui avait déclaré qu’il y’avait une place pour 4 enfants dans ma commune, donc on a vraiment commencé à s’inquiéter. Surtout quand on a découvert durant la grossesse que notre fille avait une fente labio-palatine. On avait du mal alors à identifier ce que ça allait impliquer pour la nourrir, car il faut une prise en charge spécifique au niveau de l’alimentation, on ne savait pas si elle allait savoir bien manger, etc.
On a seulement cherché dans le secteur public, car c’était compliqué pour nous de lister les accueillantes disponibles et on voyait beaucoup de mamans sur les réseaux sociaux en stress et qui cherchaient une place d’urgence. On a même été jusque Namur, notre lieu de travail. Mais en ne vivant pas dans cette ville, nous n’étions pas prioritaires.
J’ai prolongé mon congé maternité avec un congé parental de deux mois, car la fente labio-palatine de ma fille demandait une prise en charge spécifique au niveau alimentaire. Ensuite, nous avons demandé à nos deux mères de 70 ans de prendre le relai. L’une venait le matin, l’autre l’après-midi. On savait que l’on ne pouvait pas compter sur les grands-pères, car ça ne rentrait pas dans leur fonctionnement. Je ne travaille pas le vendredi et mon mari a pris un congé parental 1/5e de 10 mois, une semaine sur deux le vendredi, et l’autre le lundi (car il ne pouvait pas s’absenter tous les lundis dans sa fonction).
Le week-end, on n’osait pas demander aux grandsmères de nous aider, car elles étaient déjà toute la semaine avec ma fille et qu’en plus, elles ne sont plus toutes jeunes.
On est assez féministes et faire peser ça sur nos mamans nous a posé beaucoup de questions. Ce n’était pas par gaieté de coeur, mais heureusement qu’elles étaient là, car beaucoup n’ont pas cette chance !
Avant l’entrée en crèche de ma fille, on m’avait proposé de la faire rentrer chez une accueillante. Mais comme elle nécessitait une prise en charge spécifique pour les repas, nous ne voulions pas faire porter cette charge sur une seule personne, qui devait gérer d’autres enfants en parallèle.
[1] Tous les noms ont été changés




