Depuis plusieurs années, l’inclusion des personnes trans et, en particulier, des femmes trans au sein des combats féministes fait débat. On a pu le constater via une polémique visant le Planning familial français pour sa volonté d’inclure les réalités trans dans ses campagnes de communication. Les luttes féministes sont pourtant indissociables des luttes pour les droits des personnes trans.

En 2020, l’une des figures principales du mouvement féministe français de collages contre les féminicides comparait l’implication des femmes trans dans le féminisme à « une nouvelle tentative masculine pour empêcher les femmes de s’exprimer ». Cet argument reprend une rhétorique héritée de The Transsexual Empire : The Making of The She-Male, écrit en 1979 par Janice Raymond. Dans ce livre, l’autrice affirme que les femmes trans sont des hommes voulant prendre part aux combats féministes, qu’elles jouent avec les stéréotypes et sont artificielles. Ce livre perpétuant une transphobie évidente est encore très influent et divise au sein des mouvements féministes. Pourtant, une personne va vivre du sexisme dès qu’elle sera perçue comme femme. Il existe donc des similarités entre des vécus de femmes cis et de femmes trans. En effet, les discriminations subies, le rapport aux hommes, à l’espace public, à la sexualité, etc. peuvent être similaires, que ce soit avant, pendant et après une éventuelle transition (voir vidéo) .

Ces vécus communs s’expliquent par l’existence d’un ennemi commun lui aussi : le patriarcat. En effet, en érigeant les hommes cisgenres en êtres supérieurs par rapport au reste de l’humanité et en différenciant précisément les rôles attendus de la part des hommes et des femmes, le patriarcat rend inimaginables les transitions de genre. C’est d’autant plus considéré comme condamnable pour les femmes trans puisqu’elles rejettent les codes masculins qui sont les codes valorisés par ce même patriarcat. Plus précisément, ces dernières, au croisement entre le sexisme et la transphobie vivent de la transmisogynie c’est-à-dire des discriminations visant spécifiquement les femmes trans. La transmisogynie est néfaste pour toutes les femmes. Par exemple, les personnes transphobes considère les femmes trans comme des « hommes infiltrés », pour reprendre l’argument de Janice Raymond. Il parait alors important pour elles de pouvoir les « détecter », afin de s’en protéger. Traquer des caractéristiques physiques jugées comme étant en dehors des normes attribuées habituellement aux femmes (épaules larges, pilosité, etc.) produit un contrôle renforcé des corps de toutes les femmes, qu’elles soient trans ou non.

Par ailleurs, rappelons que les personnes trans représentent une minorité. L’idée reçue d’« épidémie » de personnes trans a pourtant encore la vie dure.

La nécessité d’une réelle convergence des luttes

Pour toutes ces raisons, une réelle convergence des luttes entre toutes les personnes susceptibles d’être victimes de violences sexistes est nécessaire. Cela inclut les femmes cis, les femmes trans, mais aussi toutes les personnes non binaires[1] qui pourraient, elles aussi, être victimes de sexisme. Le débat incessant sur la légitimité des femmes trans à prendre part aux mouvements féministes fait le jeu du patriarcat en opposant des femmes entre elles [2]. Alors qu’une convergence permet de faire front commun contre des oppressions parfois très similaires.

Les féministes ayant des discours transphobes sont peu nombreuses, mais elles sont visibles et font beaucoup parler d’elles. Pourtant, selon plusieurs sociologues, cette convergence existe depuis longtemps, précisant que « dans la plupart des espaces féministes, la convergence des luttes entre personnes trans et femmes cisgenres […] est déjà à l’œuvre ».

Il existe des besoins et des revendications différentes entre les femmes cis et les femmes trans, tout comme il en existe entre les femmes blanches et les femmes noires. Mais loin de l’universalisme qui gommerait toutes ces différences au profit uniquement des femmes cis blanches, la convergence des luttes permet de faire front commun, solide et fort contre le patriarcat !

[1]« “Non-binaire” est un terme parapluie qui désigne tout un spectre de possibilités entre les identités strictement féminines et masculines. » Voir VOLFSON Olga,« Que veut dire non-binarité ou non-binaire ? Reprenons les bases ! », Têtu, 14 juillet 2021.

[2] LEXIE, « Le transféminisme », Sisterhood, 03/11/22

Autrice
AutriceElise Voillot