Quel(s) rôle(s) et quelle place devraient occuper les personnes alliées « valides » dans les luttes anti-validistes [1] ? Quelle y est la place des associations qui représentent les personnes en situation de handicap ? Exploration.

Un·e militant·e allié·e, c’est une personne qui, de manière active et constante, soutient des communautés et des causes, leur est solidaire et défend leurs intérêts. Cette personne alliée n’est pas forcément concernée par l’oppression contre laquelle elle sensibilise et lutte. Elle ne fait pas « partie » de la minorité qu’elle défend. Ne pas être concerné·e par une cause ne signifie toutefois pas qu’on ne peut pas s’informer, être sensible aux problématiques, agir, militer, prendre conscience de ses privilèges dans certains contextes. Chacun·e peut, dans son quotidien, apporter une pierre à l’édifice en s’informant et sensibilisant à son niveau, mais aussi en portant des débats, des réflexions dans sa sphère privée, professionnelle, etc.

Être allié·e, pas sauveuse·eur

De la même manière qu’un homme cisgenre peut militer pour les causes féministes, une personne valide peut chercher à soutenir les revendications anti-validistes des personnes en situation de handicap. Mais attention, il convient de différencier la notion de personne alliée avec celle de sauveuse. La posture de l’allié·e est solidaire, humble, sans cesse en questionnement, alors que celle de sauveuse ou sauveur se situe plutôt dans la charité, le paternalisme et la tolérance (voir photo des CHEFF ci-dessous)  au lieu de mettre au défi ses propres croyances[2]. À ce titre, l’une des pratiques essentielles dans la militance vis-à-vis d’une cause qui ne nous concerne pas directement est d’aller à la recherche d’articles, de livres, de films, de podcasts qui traitent de la thématique et des questions qui la traversent. Concrètement et en parallèle, en matière de lutte contre le validisme, les allié·e·s peuvent mettre en place un tas de réflexes militants, tant dans leur sphère privée que professionnelle.

« Rendre les événements/rencontres sociales accessibles : une grande partie de personnes en situation de handicap sont socialement isolées et n’ont pas les moyens de se rendre à des événements. Il est donc nécessaire de les rendre accessibles, via des informations claires, une accessibilité physique totale à l’événement (depuis la place de parking disponible jusqu’à la salle), des interprètes mis·e·s à disposition au besoin, des lieux de repos, etc. À ce titre, en France, certaines actions ont été menées par des collectifs militants dans le but de boycotter les lieux inaccessibles aux personnes en situation de handicap. »

« Comprendre le privilège intellectuel : il faut savoir que le QI a été utilisé comme un moyen oppressif de contrôle social et a été jadis mis en œuvre par les mouvements eugénistes. […] Accentuer l’intellectualisme (le privilège intellectuel) renforce l’idée que les gens devraient se conformer à une forme d’intelligence — c’est-à-dire, l’« intelligence » comme définie dans les milieux blancs, valides, élitistes et universitaires. Prenez conscience qu’il existe de nombreuses formes d’intelligences et que les gens peuvent être magnifiques et remarquables, quelle que soit leur intelligence perçue. Veillez à inclure toutes les personnes. Nous avons tou·te·s de précieuses façons de contribuer. »

« Adopter différentes formes de communication : tout le monde ne peut ou ne veut pas communiquer verbalement. Certaines personnes préfèrent communiquer non verbalement, d’autres communiquent avec leurs corps. Prenez en compte qu’il existe des gens qui ne veulent pas communiquer, toucher, ou s’engager socialement autant que vous. […] Ça signifie simplement que les façons dont nous nouons des liens ne vous sont peut-être pas familières. Essayez de ne pas faire d’interprétations concernant le contact visuel ou le langage corporel. Demandez toujours avant de toucher quelqu’un·e. N’imposez jamais de contact visuel. Valorisez les contributions des timides et des introverti·e·s — pas seulement des extraverti·e·s ! »

« Éviter d’utiliser des stéréotypes pour parler du handicap de quelqu’un∙e : les présupposés et les stéréotypes peuvent être blessants et offensants. Ne partez jamais du principe que c’est notre rôle de vous éduquer sur nos handicaps. »

« Contrôler votre langage validiste » : en effet, pour certaines personnes valides, le handicap est considéré comme pire que la mort [3] avec des phrases de type : « plutôt mourir que d’avoir à vivre dans ta situation ». D’ailleurs, certaines personnes n’étant pas directement concernées par l’oppression contre laquelle elles veulent lutter peuvent porter des discours maladroits et agir d’une manière contre-productive. » La transition vers une société plus inclusive peut aussi émaner des personnes valides, mais sans voler ni la place, ni la parole des personnes concernées. L’important est de bien s’informer soi-même, en se documentant de différentes façons et en écoutant les personnes concernées (comme le stipule notamment l’article 4§3 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies : « rien sur nous sans nous » !), d’accepter de se remettre en question, de déconstruire ses schémas mentaux et ses préjugés et de se remettre en question pour contribuer à une société plus inclusive et plus juste pour tout le monde. La force d’une communauté d’allié·e·s est alors très grande, car elle porte d’abord et amplifie ensuite les voix des personnes oppressées.

[1] Le validisme, représente une société pensée par et pour les personnes valides. C’est un monde où des discriminations sont établies sur base de capacités humaines, psychologiques, intellectuelles ou physiques.

[2] Cette posture fait également écho à l’inspiration porn qui est une manière de représenter des personnes en situation de handicap en tant qu’objets d’inspiration en posant un regard exagéré sur leur handicap. Cette objectification perpétue les attitudes, les stéréotypes et comportements validistes et entraine de nombreuses conséquences. Plus d’infos 

[3] Nous vous invitons à lire ce témoignage « Les mots qui tuent : l’épidémie de langage validiste dans les médias » 

AutriceMaï Paulus (Esenca)