Fin 2024, Dominique Pélicot a été reconnu coupable d’avoir drogué Gisèle Pélicot, son épouse, pour lui faire subir des viols à répétition par d’autres hommes, également reconnus coupables. Ce procès au retentissement médiatique énorme a remis sur le devant de la scène politique et médiatique mondiale la lutte, encore nécessaire, contre les violences basées sur le genre (VBG).
En Belgique, depuis quelques années, nous pouvons constater plusieurs avancées sur cette thématique. Quelles sont-elles ? Pourquoi est-ce encore nécessaire de se mobiliser pour lutter contre ces violences ?

Des chiffres toujours plus inquiétants

En Belgique, entre 25 et 28 femmes sont victimes chaque année de féminicides, c’est-à-dire qu’elles sont tuées, souvent par leur (ex)compagnon, parce que ce sont des femmes. Le recensement de ces féminicides est réalisé par une plateforme d’associations féministes belges, via une veille médiatique. Les violences conjugales ne sont pas en reste. En effet, en 2020, le nombre de plaintes pour violences domestiques a augmenté de près de 10 %.

Au cours de leur vie, près de la moitié des Belges (47 %) a été exposée à au moins une forme de violence sexuelle. Plus inquiétant encore : 48 % des victimes ont été exposées pour la première fois à celle-ci avant 19 ans. De plus, presque 10 plaintes pour viol sont déposées chaque jour auprès de la police. Dans 49 % des cas, les victimes connaissent les agresseurs [1] et dans 21 % des cas, l’auteur des faits est le conjoint ou ex-conjoint.

Ces chiffres ne représentent pas l’entièreté des victimes : tous les féminicides ne sont pas médiatisés et toutes les victimes de violences conjugales ou sexuelles ne portent pas plainte et ne sont donc pas comptabilisées.

Une prise de conscience politique

En 2016, la Belgique a ratifié la Convention d’Istanbul (l’Union européenne le fait également en 2023) qui fixe des normes contraignantes pour prévenir et lutter contre les VBG. Dès lors, chaque pays signataire est obligé d’adopter sur son territoire des lois réprimant ces violences, de prévoir des refuges pour les victimes, etc. La Belgique figure parmi les mauvais élèves à ce niveau. Face à ce constat, nous avons pu observer ces dernières années des initiatives politiques afin de prévenir et lutter contre différentes formes de VBG, rapprochant petit à petit la Belgique des exigences de la Convention.

Plusieurs plans d’action ont ainsi été rédigés, comme le Plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024 ou encore le Plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre 2021-2025. Ces plans prévoient des mesures concrètes et contraignantes pour lutter contre les VBG .

De plus, le Code pénal sexuel a été réformé en 2022. L’objectif était de mettre au centre le droit à l’autodétermination sexuelle (« mon corps, mon choix »). La réforme implique plusieurs changements : l’apparition d’une définition du consentement, de l’infraction d’inceste ou encore des dispositions encadrant le travail du sexe.

Toujours dans l’optique d’encadrer au mieux les VBG, la loi #Stopféminicide a été votée en 2023. Cette loi permet de définir officiellement la notion de féminicide, de collecter des statistiques officielles (qui sont, rappelons-le, actuellement recensées par une plateforme d’associations), de renforcer les droits et la protection des victimes de tentatives de féminicides, ou encore de former la police et les actrices·teurs du monde judiciaire aux VBG.

Pour aider les victimes, les Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) ont été créés en Belgique. Ceux-ci offrent une prise en charge multidisciplinaire aux victimes de violences sexuelles : accompagnement médical, psychologique, policier, juridique et/ou social. Ces lieux se veulent accessibles à tou∙te∙s et ouverts 24h/24, 7j/7.

Il est important de continuer à financer l’ouverture de tels endroits qui accueillent et accompagnent les victimes de VBG, quelles que soient les formes que ces violences prennent. L’accompagnement des victimes doit rester au centre des préoccupations politiques. De plus, bien que des lois encadrant les VBG existent, dans les faits, de trop nombreux agresseurs échappent encore à une condamnation. Malgré ces avancées législatives, il reste nécessaire de continuer la lutte afin qu’elle reste une priorité politique.

Pour en revenir au procès Pélicot, il aura permis de mettre plusieurs choses en avant : il n’existe pas de profil-type du violeur ; les viols sont, en grande majorité, perpétrés par une personne connue de la victime ; les violences sexuelles concernent tout le monde. L’importante médiatisation de l’affaire a mis en lumière des réalités des violences sexuelles auprès du grand public. En effet, comme le signale Les Glorieuses, « des données de l’institut de sondage Ifop révèlent que les trois quarts des Français·es estiment que ce procès a montré à quel point les violences sexuelles sont normalisées et répandues en France ». Bien que les condamnations restent plus faibles que ce qui était initialement demandé par le ministère Public, dans un monde où très peu de violences sexuelles sont condamnées, des procès comme ceux-ci redonnent un peu d’espoir aux nombreuses victimes.

[1] Nous utilisons ce terme au masculin uniquement, car, comme le démontre de nombreuses études (notamment celles citées dans cet article), les auteurs de violences conjugales et sexuelles sont en écrasante majorité des hommes.

Autrice
AutriceMargot Foubert