
Dans les crèches et les accueils à domicile, les enfants sont présents avec régularité et pour une longue durée. Les haltes-accueil proposent un autre fonctionnement. Les enfants de 0 à 6 ans peuvent y être accueillis pour quelques heures par jour, jusqu’à cinq fois par semaine, en fonction des besoins des familles. Dans la plupart des structures, les tarifs sont peu élevés. C’est une formule particulièrement adaptée aux familles précaires, aux parents qui reprennent une formation, ont des rendez-vous administratifs ou médicaux ou tout simplement besoin de prendre du temps pour eux, de façon occasionnelle. Entretien avec la CHACOF pour mettre en lumière un système d’accueil méconnu !
Quelle est l’origine de ces milieux d’accueil « atypiques » ?
Initialement, les « haltes-garderie »[1] comme on les appelait au départ, étaient principalement conçues pour répondre aux besoins des mères au foyer en leur permettant de disposer de temps libre pour souffler, suivre une formation, rechercher un emploi ou se remettre au travail tout en assurant la garde de leurs jeunes enfants. Au fil des années, les haltes-accueil ont élargi leur rôle pour s’adapter aux changements dans les modes de vie des familles, notamment la diversification des besoins de garde et l’augmentation du nombre de femmes actives.
Ces structures ont été créées en fonction des besoins du terrain. Un ancrage local a permis de contribuer à la cohésion sociale, dans des zones où les milieux d’accueil étaient inexistants et où des projets dits « sociaux » étaient en développement. L’objectif initial visait à créer du réseau autour des familles ayant peu de ressources afin de renforcer les liens sociaux et leur permettre d’accéder à d’autres opportunités. Les familles vulnérables se retrouvent souvent très isolées dans le choix d’une place de qualité pour leur enfant. Certaines haltes-accueil ont choisi de travailler avec ces familles ayant des besoins spécifiques. Dès lors, elles ont développé des projets d’accueils souples et adaptés aux familles ayant certaines difficultés. Les haltes-accueil font partie des milieux d’accueil dits « atypiques », car ils sortent des modèles standard en termes d’horaires, de contrat d’accueil [2], etc. pour améliorer l’accessibilité de l’accueil aux publics qui en sont les plus éloignés. Ils sont souvent intégrés ou associés à d’autres projets sociaux qui prennent la famille dans son ensemble (dispositifs de « FLA — Français Langue d’Apprentissage », d’insertion socioprofessionnelle, etc.).
Bon nombre de ces structures proposent un multiaccueil, c’est-à-dire qu’elles accueillent les enfants tant sur une base régulière (accueil « classique » plusieurs jours par semaine) qu’occasionnelle (accueil flexible, « au jour le jour »). Elles mettent de plus en plus l’accent sur la dimension éducative, en proposant des activités et des ateliers adaptés à l’âge des enfants, tout en veillant à leur bien-être et à leur développement. Ces lieux d’accueil s’adaptent avant tout aux réalités des familles en leur assurant un soutien dans leur parentalité.
La CHACOF, une asso pour les regrouper toutes
Avant la réforme petite enfance entamée en 2019, le cadre réglementaire des haltes-accueil était restreint et ne comportait pas de dispositions spécifiques à ces structures [3]. Elles ne se sont donc pas développées uniformément : chacune fonctionne « à sa sauce » selon ses moyens, ses publics, sa philosophie.
Pour se soutenir et promouvoir leurs pratiques professionnelles spécifiques, les haltes-accueil de Bruxelles et de Wallonie se sont regroupées en 2010 et ont créé la CHACOF, la Coordination des Haltes-Accueil de la Communauté française. Celle-ci a développé une solide expertise autour de l’accueil des enfants et familles vulnérables et/ou vivant dans la pauvreté. La CHACOF accompagne les professionnel·le·s des haltes-accueil sur les notions d’accessibilité, de diversité, de solidarité, d’adaptabilité. Les haltes-accueil ont par exemple besoin d’être outillées par rapport à la barrière de la langue. « En effet, nombre de parents qui arrivent dans les haltes-accueil ne parlent pas correctement le français. [Dans ce cas], les structures et leurs équipes doivent mettre en place des actions et des dispositifs qui permettent, malgré l’obstacle de la langue, d’expliquer comment l’accueil se déroule, de rassurer les familles, d’échanger au quotidien et, in fine, de construire une relation de confiance » [4].
Le rôle de la CHACOF est aussi d’interpeller le monde politique et l’ONE pour augmenter la visibilité du secteur et défendre le travail effectué par les haltes-accueil avec les enfants et les familles. Ce rôle est d’autant plus important que la réforme des milieux d’accueil de la petite enfance, dite réforme « MILAC », représente un enjeu considérable pour l’avenir, voire la survie des haltes-accueil.
Une réforme qui essaie de « faire rentrer des ronds dans des carrés »[5]
Pour bénéficier d’une subvention de l’ONE, les haltes-accueil doivent se transformer, d’ici la fin de l’année, en crèches dites « classiques ». Or, les modalités de fonctionnement des crèches sont éloignées du format actuel des haltes-accueil. Les infrastructures, les horaires, la quantité de personnel encadrant, les modalités de présence des enfants, les relations avec les familles… rien de tout cela ne se ressemble. Malgré ces différences, certaines haltes-accueil ont réussi à se « transformer » pour entrer dans les cases de la réforme MILAC.
Pour les autres, de grandes incertitudes subsistent. Leur non-subventionnement les met dans une difficulté à se projeter à plus ou moins long terme. Certaines haltes-accueil risquent même de fermer si elles n’obtiennent pas un financement structurel [6]. Il est à souligner que ces projets sont généralement des modèles inspirants en matière d’accessibilité à un public fragile et vulnérable. Dès lors, maintenir l’existence de ces milieux d’accueil est une nécessité pour favoriser une société plus juste et plus solidaire !
[1] Le changement de nom de « haltes-garderie » en « haltes-accueil » est apparu au fur et à mesure. Le décret de 2021 de la réforme de la petite enfance a officialisé l’utilisation du terme « haltes-accueil ».
[2] Le contrat d’accueil est un document à signer avant l’entrée dans le milieu d’accueil pour acter notamment le nombre de jours où l’enfant sera présent sur la semaine, le tarif à payer, le matériel à fournir par les parents, les règles en cas de maladie de l’enfant, etc.
[3] Cette réforme, dite « réforme MILAC », a simplifié le paysage de l’accueil (prégardiennat, crèches parentales, maisons communales d’accueil de l’enfance… tous les milieux d’accueil collectifs portent désormais l’appellation de « crèche »). La réforme entendait aussi contribuer à une meilleure qualité et accessibilité de l’accueil par diverses mesures dont certaines n’ont pas encore abouti, faute de moyens. Pour en savoir plus, voir cet article du Femmes Plurielles en ligne
[4] MEYS Aurélie, « Une diversité d’accueils pour une diversité de pauvretés. Neuf haltes-accueil en Fédération Wallonie-Bruxelles », recherche CHACOF, 2016, p. 82.
[5] Expression empruntée à Elise Voillot, la rédac’ cheffe de ce magazine.
[6] La réforme des aides à l’emploi (APE) pourrait également les impacter négativement.




