
Que ce soit en Belgique ou ailleurs dans le monde, on observe que les enfants issus de la migration sont moins nombreux à fréquenter les milieux d’accueil du pays dans lequel ils résident. À Bruxelles par exemple, seuls 14 % des enfants ayant des parents non belges fréquentent un milieu d’accueil subventionné, alors qu’ils sont 46 % à pouvoir en bénéficier [1].
Comment expliquer cette situation ?
Quels facteurs influencent le non-recours au droit à une place d’accueil pour ces enfants et familles ?
Informer, une étape cruciale
Diverses études sociologiques montrent que l’absence de connaissances sur les démarches à accomplir et la moins bonne maîtrise de la langue du pays de résidence éloignent les personnes migrantes de l’accueil des enfants. Elles ne savent parfois pas qu’il existe des structures officielles dédiées à s’occuper des enfants en bas âge. Elles ignorent comment s’y prendre pour avoir accès à ces structures. Une maman raconte sa solitude et sa distance par rapport aux canaux d’information habituels :
« […] Je me suis retrouvée très seule avec mon bébé. Je restais toute la journée à la maison, sans sortir, sans rien connaître dans la ville. Je ne savais même pas que les autres femmes faisaient garder leurs enfants. C’est ma voisine qui me l’a dit un jour. Il faut donner des informations aux mamans étrangères pour leur dire où elles peuvent aller avec leurs enfants, expliquer ce que ce sont les crèches, comment faire pour s’inscrire » [2].
La barrière de la langue complique la recherche de ces informations et les prises de contact avec les milieux d’accueil. La faiblesse des revenus est aussi un frein. Comment payer la crèche ou l’accueillant·e à domicile quand on n’a pas ou peu de moyens ?
Respecter la diversité culturelle
Michel Vandenbroeck, professeur à l’université de Gand, souligne qu’il existe également des « barrières invisibles » limitant l’accès des enfants migrants aux structures de la petite enfance. Ces barrières se trouvent tant du côté des professionnel·le·s que du côté des familles migrantes elles-mêmes.
Le personnel des milieux d’accueil a une certaine vision de l’éducation et de la parentalité, calquée sur les normes occidentales en la matière. Or, dans la culture d’origine des parents, cette vision peut être très différente. Dans une étude réalisée en Île-de-France, Costes et Hakim évoquent les remarques négatives du personnel d’accueil quant aux bijoux portés par les enfants ou les tenues vestimentaires de leurs mères [3]. À l’image de l’ensemble de la société, les milieux d’accueil ne sont pas exempts de préjugés et comportements racistes.
La formation initiale et continue des professionnel·le·s est essentielle pour combattre le problème. Les enfants et leur famille doivent pouvoir être accueillis et respectés dans toute leur diversité. Une mère migrante témoigne de son expérience positive avec un milieu d’accueil attentif à la diversité culturelle : « J’aime bien cette halte-accueil. Je peux amener le repas du midi pour mon enfant, je sais qu’on lui donnera sans juger [interdits alimentaires, nourriture hallal]. Il y a des puéricultrices avec un voile, je me sens plus proche. Je suis toujours bien accueillie ici, je peux poser des questions » [4].
Lutter contre les idées reçues
Certaines croyances erronées agissent aussi comme des barrières invisibles à l’accueil des enfants. Beaucoup de femmes migrantes, lorsqu’elles ne travaillent pas, pensent que leur enfant n’a pas droit à une place en milieu d’accueil. Elles pensent que c’est à elles de s’occuper à temps plein de leur·s enfant·s, quitte à s’empêcher de travailler, faire une formation ou d’autres activités pendant une période plus ou moins longue. Ce stéréotype de genre doit être déconstruit pour que les femmes migrantes s’autorisent à confier leur·s enfant·s à un milieu d’accueil. Confier leur·s enfant·s peut s’avérer également difficile quand elles ne connaissent pas bien le fonctionnement de l’accueil. La confiance s’installe une fois qu’elles prennent conscience des compétences et manières de faire des professionnel·le·s vis-à-vis de leur enfant.
Accessibilité primaire et secondaire
Pour rendre l’accueil accessible aux enfants migrants et leur famille, il est nécessaire que tous les milieux d’accueil travaillent sur deux pans. D’une part, se faire connaître des familles pour qu’elles arrivent jusque « devant leur porte » et d’autre part, une fois que les familles ont franchi la porte, créer les conditions pour qu’elles aient envie de rester. Des moyens humains, matériels et financiers doivent être garantis pour y parvenir.
[1] DEGRAVE Florence. et al, Non-recours aux services d’accueil temps libre et aux milieux d’accueil de l’ONE, Rapport de recherche final, 2022, p.86.
[2] POISSON Charlotte, « Accessibilité des places en crèche et problématique du “non-recours” aux services : femmes migrantes avec enfants », Analyse de l’IRFAM, n° 2, 2024, p. 4.
[3] DEGRAVE Florence. et al, Non-recours aux services d’accueil… op. cit., p. 88.
[4] POISSON Charlotte, Accessibilité des places en crèche… op. cit., p. 3.




