Sandrine Tshibangu MPunga a dû quitter son pays d’origine, la République Démocratique du Congo, il y a 10 ans par crainte pour sa propre vie. Depuis, elle « survit » en Belgique en tant que sans-papiers. Sandrine ne baisse pas les bras pour autant. Chaque jour, elle s’investit et milite au sein d’associations avec la ferme intention d’aider ses pairs et de montrer tout le potentiel et tout ce qu’elle a à donner à son pays d’adoption, la Belgique.

Qu’est-ce qui t’aide à garder l’espoir qu’un jour, ta situation sera régularisée ?

Ce qui m’a permis de tenir le coup c’est d’avoir rencontré des associations qui m’ont aidée à sortir de la peur dans laquelle je me trouvais. J’ai tout d’abord rencontré Le monde des possibles lorsque j’étais au centre d’accueil. C’est via cette ASBL que j’ai entendu par la suite parler de La voix des sans-papiers et de L’école des solidarités. Grâce à ces structures, j’ai compris qu’il y avait de l’espoir, car elles sont là pour défendre nos droits. Elles nous permettent de prendre conscience que nous sommes des êtres humains avant d’être des sans-papiers. C’est aussi grâce à elles que nous pouvons créer notre propre réseau, rencontrer les bonnes personnes, accéder aux bonnes informations et comprendre comment nous y prendre pour mener le combat. Tout ce savoir, je le transmets à d’autres personnes qui sont dans la même situation que moi et ça aussi, ça donne de l’espoir. Ces associations et toutes les personnes qui en font partie sont ma famille aujourd’hui. […] Lorsque j’interviens à la demande d’associations pour parler de mon vécu, c’est aussi une manière de militer et de nous visibiliser un maximum.

Selon toi que pourrait-on faire pour améliorer l’accès à l’information des personnes sans-papiers ?

Il faudrait sensibiliser directement les personnes en se rendant là où elles se trouvent. Des informations circulent sur les réseaux sociaux, mais pour nous, s’y inscrire représente un risque, car nous savons que c’est un moyen utilisé pour nous retrouver.

Quelle est la première chose que tu feras si tu obtiens tes papiers ?

Trouver du travail au plus vite. J’ai actuellement une promesse d’embauche au sein de l’ASBL Le Monde des possibles, mais je dois d’abord obtenir ma régularisation. Pour moi, c’est crucial, car je travaille déjà pour eux, mais je n’ai droit à aucune rémunération ; or qui peut vivre aujourd’hui sans argent ? Cette rémunération pourrait aussi me permettre d’être enfin autonome et de ne plus devoir compter sur les colis alimentaires qui sont insuffisants pour survivre. Vivre en tant que sans-papiers, c’est vivre dans une prison, car on n’est pas libre de vivre notre propre vie, et ce, à tous niveaux. J’ai aussi besoin de contribuer à la société ; je n’en peux plus de la charité et ce que je voudrais aujourd’hui, c’est pouvoir renvoyer l’ascenseur.

Si tu étais ministre, que ferais-tu ?

Je chercherais à rendre de la valeur à tout être humain en rendant les lois migratoires actuelles moins déshumanisantes. Je supprimerais aussi celles qui n’ont aucun sens. Par exemple, certains secteurs ou métiers sont en pénurie aujourd’hui en Belgique. Alors, pourquoi ne pas utiliser cette main-d’oeuvre que nous avons à apporter et nous régulariser pour cela ? Les politiques devraient regarder ce que la Belgique a à gagner à régulariser les personnes sans-papiers. Je ne dis pas qu’il ne faut pas établir de critères, mais on pourrait construire une sorte de « donnant-donnant » pour le pays et pour les personnes sans-papiers. Je concentrerais aussi mes efforts sur l’amélioration de l’accueil des nouvelles·eaux arrivant·e·s, car ce sont aussi des futurs Belges : un accueil de qualité, c’est l’assurance d’une inclusion réussie, durable et sereine. Pour obtenir la paix sociale, il faut que chacun et chacune se sente bien, les Belges comme les exilé·e·s. Et pour cela, il faut valoriser l’accueil, c’est dans l’intérêt de tout le monde.

Qu’est-ce qui est le plus difficile lorsque l’on est sans-papiers ?

La prison psychologique ! Car être sans-papiers c’est ne pas avoir de droits, et ce, même si on a accès à l’aide médicale urgente ou aux colis alimentaires. À chaque pas que tu veux faire, tu te heurtes à un mur, comme dans une prison. On n’a pas le droit de se former, de circuler librement ou de passer la frontière, on est toujours enfermé·e·s là où on est. Il y a aussi la peur quotidienne, car on ne sait jamais ce qui pourrait arriver ; on est toujours confronté·e·s aux risques que la police nous tombe dessus et nous arrête. Par exemple, on pourrait se trouver dans une maison où un incendie se déclenche ou dans un train où une bagarre éclate. Toutes ces situations représentent des risques que la police intervienne et par la même occasion, nous mette la main dessus. À tout moment, tout peut basculer ! Chaque jour quand je me réveille je me dis : « qu’est-ce que je pourrais faire aujourd’hui pour sortir de cette prison ? ». C’est pourquoi je reste toujours disponible et volontaire à m’investir dans toutes les associations qui m’ouvrent des portes, car c’est ça aussi qui m’aide à combattre l’angoisse et la peur.

Autrice
AutriceWivynne Gaziaux