L’ingérence de l’État belge en matière d’accueil des demandeuses·eurs d’asile ou des migrant·e·s est une aberration totale sur le plan des droits humains. Ce comportement pose problème parce qu’il nourrit au sein de l’opinion publique la croyance selon laquelle « on ne peut accueillir toute la misère du monde ». Ces personnes sont vues par beaucoup comme des indigent·e·s, voire des parasites qui vivent « aux crochets » de la société. Pourtant, les chiffres démontrent que les dépenses engrangées pour accueillir et accompagner les demandeuses.eurs d’asile ou migrant·e·s sont inférieures aux recettes qu’elles créent. Par ailleurs nous sommes également dépendant·e·s de la main-d’oeuvre qu’elles∙ils représentent et qui contribue autant à notre économie qu’au bon fonctionnement de la société en général. Alors que certains discours politiques font tout pour l’invisibiliser et nient cette contribution significative. De la pure hypocrisie !

À Bruxelles : les «bon·ne·s » et les « mauvais·e·s » migrant·e·s

Bruxelles, avec sa position stratégique au coeur de l’Europe, offre des opportunités professionnelles qui attirent de nombreuses·eux travailleuses·eurs migrant·e·s. D’une part, des personnes hautement qualifiées, comme les fonctionnaires de l’UE ou d’autres institutions européennes et des « expatrié∙e∙s ». D’autre part, des personnes peu qualifiées assurant tous les services d’ordre pratique et physique – les tâches ingrates dont personnes ne veut – et essentielles au bon fonctionnement du « coeur » [1] . Cette configuration crée et maintient une dualisation de revenus et de statuts entre les travailleuses·eurs immigré∙e∙s ; les moins loti·e·s travaillant le plus souvent dans les secteurs les moins rentables, comme celui des services [2] .

Les titres-services : une fatalité professionnelle pour les femmes issues de l’immigration ?

L’évaluation du secteur des titres-services réalisée par la Région de Bruxelles-Capitale en 2018 illustre particulièrement bien ce lien entre secteur des services, emploi mal rémunéré, travailleuses·eurs issu∙e∙s de l’immigration et surreprésentation des femmes. Ce rapport démontre en effet :

1) qu’il s’agit bien d’un secteur typiquement féminin. 95,7 % des travailleuses·eurs sont des femmes ;

2) que la majorité des travailleuses·eurs sont issues de l’immigration. 76,1 % ont une nationalité étrangère (58,3 % viennent de l’UE et 17,8 % hors UE) — alors que sur le marché global du travail bruxellois, 66,2 % des travailleuses·eurs sont de nationalité belge ;

3) que les travailleuses·eurs et utilisatrices·teurs proviennent de deux classes sociales opposées. Les premières·iers viennent principalement des communes bruxelloises les plus pauvres alors que les second·e·s habitent généralement dans les communes les plus riches ;

4) qu’il est question d’emploi précaire. Les travailleuses·eurs gagnent approximativement 1 200 € brut par mois [3] — ce qui est en dessous du salaire médian et moyen à Bruxelles — alors que les utlisatrices·teurs gagnent « un salaire brut journalier moyen supérieur à 140 € » [4];

5) qu’il existe un lien de dépendance entre allochtones [5] et autochtones [6]. 76,1 % des travailleuses·eurs sont de nationalité étrangère alors que 71,7 % des utilisatrices·teurs sont de nationalité belge.

Les domestiques : les personnes les plus à risque d’être victimes de la traite d’êtres humains

Quant au métier de domestique, celui-ci est particulièrement exposé à l’exploitation du travail. Selon MYRIA (le Centre Fédéral Migration en Belgique), une part importante du travail domestique à Bruxelles est réalisée par des travailleuses·eurs clandestin·e·s d’origine étrangère. Pour la·le travailleuse·eur, ce type de travail est pratique, car il est facile à trouver et la rémunération peut se faire en espèces. Pour l’employeuse·eur, faire appel à une main-d’oeuvre clandestine est une aubaine, car il n’y a aucune paperasse à faire et le salaire, ainsi que les tâches à réaliser, peuvent être fixé·e·s librement. D’autant plus que sa détection et les contrôles (ONSS) sont difficiles étant donné que les tâches sont réalisées dans le domicile privé, à l’abri des regards, et que la personne a peu de contacts avec l’extérieur. Notons encore que l’employeuse·eur est également en totale capacité d’exercer son rapport de force face à un·e travailleuses·eur en situation irrégulière, qui dépend d’elle·lui pour se loger ou se nourrir.

Une main-d’oeuvre essentielle au service et au profit des plus riches

À l’échelle internationale aussi, l’utilisation de la main-d’oeuvre étrangère – légale ou illégale – dans le secteur domestique est un phénomène qui s’observe. On détecte d’ailleurs un lien important entre la demande de travail domestique et du care par les pays du Nord global et les migrations de plus en plus féminines venant des pays du Sud global. De fait, le rapport 2019 de l’Organisation Internationale du Travail – « Estimations mondiales de l’OIT concernant les travailleurs migrants » – prouve que ce sont bien les pays du Nord qui captent la plus grosse part de cette main-d’oeuvre. L’Europe du Nord, du Sud et de l’Ouest attirent 24,2 % des travailleuses·eurs migrant·e·s, l’Amérique du Nord 22,1 % et les États arabes (14,3 %). Ce que ces rapports ont le mérite de mettre en lumière, c’est la contribution importante de ces femmes à la croissance économique – et au fonctionnement en général – des pays les plus riches, auxquels elles fournissent une main-d’oeuvre essentielle dans les métiers des services à la personne, de la santé ou du travail domestique ».

[1] CAMARGO MAGALHÃES Beatriz, « Transformer le travail domestique ? Femmes migrantes et politique de formalisation à Bruxelles », Thèse présentée en vue de l’obtention du grade académique de Docteur en Sciences Politiques et Sociales à l’ULB, https://tinyurl.com/2j6k5n4v, pp. 80-81.[2] Ibid., pp. 81-82.

[3] Si on combine les 11,66 €/heure avec les données sur le temps de travail ; voir : Ibid., p. 121.[4] Ibid., p. 41[5] Signifie littéralement « d’un autre pays ».[6] Personne originaire du pays où elle habite.

Autrice
AutriceWivynne Gaziaux