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Les impôts, les taxes. Voilà un sujet qu’on retrouve sur toutes les lèvres, souvent pour dire qu’on en paye trop ! Mais savons-nous réellement comment fonctionne notre système d’imposition en Belgique et l’enjeu sociétal et social qu’il défend ? Pour Soralia, il s’agit d’une thématique centrale. C’est pourquoi nous mettons un point d’honneur à la rendre la plus accessible possible afin, on l’espère, d’éclairer vos lanternes.

Un système « d’État-providence » dans l’intérêt de tou·te·s

Une société idéale est une société dans laquelle tou·te·s les citoyen·ne·s bénéficient des conditions de vie les plus agréables et dignes possibles. Celle-ci comprend autant l’accès à des services communs de base et de qualité pour tou·te·s, qu’à un mécanisme de protection permettant de surmonter les coups durs de la vie [1].

En Belgique, c’est à l’État que revient le rôle de fournir, organiser et gérer ces services essentiels et utiles à l’ensemble de la population. Citons notamment : l’enseignement, les routes et les transports, la justice, la sécurité, les hôpitaux, la culture, etc. En pratique ce sont les gouvernements et les Services Publics fédéraux (SPF) et régionaux (SPW pour la Wallonie) qui remplissent ces missions, chacun dans leur giron respectif.

Les impôts, un mécanisme collectif de redistribution des revenus et des richesses

Pour assurer la pérennité de ces services, l’État a besoin de moyens financiers (recettes). C’est pourquoi il prélève, ou collecte, différents impôts auprès des contribuables [2]. Chacun·e contribue donc au financement des caisses publiques de l’État pour que chacun·e puisse bénéficier des services publics (ou à un prix plus bas [3]) lorsqu’elle·il en a besoin. C’est le principe du « pot commun ». C’est l’État qui gère celuici. C’est donc lui qui perçoit les recettes et veille à ce qu’elles soient réparties, ou distribuées — au travers des dépenses publiques — le plus équitablement possible et ce, dans l’intérêt de tou·te·s.

Il existe globalement deux modes de prélèvement des impôts :

  • Les « impôts sur le revenu » : les impôts que les contribuables payent [4] sur les différentes sommes qu’elles·ils perçoivent, comme « les revenus » (salaires, pensions, allocations de chômage, etc.), les « revenus mobiliers » (dividendes, intérêts, etc.) et les « revenus immobiliers » (loyers commerciaux, etc.).
  • Les « impôts sur la consommation » : comme la TVA ou les accises (impôts indirects) par exemple, que l’on paye directement (au magasin, au restaurant, sur internet, etc.) lorsque l’on achète des biens et/ou des services [5] ou encore, sur les droits d’enregistrement lors de l’achat d’une maison, les droits de succession, etc.

Certains impôts sont collectés par l’administration publique fédérale (SPF Finances) comme l’impôt sur les revenus (IPP [6], ISOC [7] et TVA [8]), les accises, le précompte mobilier, le précompte professionnel, etc. D’autres sont collectés par (ou pour) les administrations publiques régionales (SPW Finances, etc.) comme le précompte immobilier, les droits de succession, les droits d’enregistrement, la taxe de circulation, etc.

Les trois impôts qui rapportent le plus de recettes à l’État belge sont :

1) l’impôt sur le revenu des personnes physiques — qu’on appelle aussi impôt des personnes physiques ou IPP ;

2) l’impôt sur les biens et les services appelé TVA ;

3) l’impôt des sociétés — ISOC.

Les autres formes d’impôts les plus connues sont : les accises [9], le précompte mobilier [10], le précompte immobilier [11], le précompte professionnel [12], les droits d’enregistrement, les droits de succession, la taxe de circulation, etc.

VIDÉO : SPF Finances, « Comment nos impôts contribuent-ils à la société ? »

Les impôts : des outils pour inciter ou décourager les contribuables

Au-delà du financement des services publics, l’État peut également utiliser les impôts pour poursuivre d’autres objectifs. C’est le cas des impôts dits « redistributifs » qui sont utilisés pour corriger et réduire les inégalités entre les contribuables (ou l’injustice sociale). L’impôt des personnes physiques en est un bon exemple, car il est proportionnellement calculé en fonction des revenus et de la situation des personnes ou des ménages [13], afin que chacun·e contribue selon ses moyens et sa situation (enfant, crédit hypothécaire, loyers perçus, rémunérations, etc.). La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) a également une fonction redistributive du fait qu’elle varie selon les produits ou services achetés : 6 % pour les produits alimentaires de base (eau, viande, fruits et légumes, etc.), les médicaments, les transports de personnes, etc., 12 % sur certains biens et services comme les restaurants, les combustibles, les pneus, etc., 21 % sur une grande majorité de biens et services. Et un taux de 0 % uniquement pour les journaux et publications périodiques ainsi que sur les « matériaux et produits de récupération ». Toutefois, la TVA reste moins redistributive que l’IPP dans le sens où le taux est le même pour tout le monde. Les bas revenus payent donc le même taux de TVA sur un produit donné que les hauts revenus.

Les impôts peuvent également être utilisés pour inciter ou stimuler certains comportements considérés comme « bons ». On parle alors d’impôts « incitatifs ». C’est le cas par exemple, de l’épargne-pension pour laquelle les contribuables reçoivent une compensation de 30 % sur le montant versé, afin d’inciter à cotiser pour une pension complémentaire ou encore de la compensation sur les sommes versées à des associations caritatives. La déduction des intérêts et/ou capital de votre crédit hypothécaire (le « bonus-logement » [14] et le « chèque habitat » [15] par exemple). Ou encore, la diminution des droits d’enregistrement lors de l’achat d’un bien immobilier ; le but étant d’inciter à investir dans l’achat d’une habitation propre.

À l’inverse, les impôts peuvent aussi viser à décourager ou modifier le comportement des contribuables. C’est le cas des taxes environnementales comme celle sur les véhicules automobiles rejetant plus de X grammes de CO²/km ; afin de dissuader à acheter des véhicules polluants.

Alors, « paye-t-on vraiment trop d’impôts » ?

Il est vrai que la « pression fiscale » [16] est élevée en Belgique (42,6 % en 2023), qui arrive d’ailleurs en 5e position de la liste des pays de l’OCDE. Mais la Belgique dispose aussi d’une protection sociale étendue et d’un large panel de services publics. Ce qui n’est certainement pas le cas dans d’autres pays où il n’y a pas de système de protection sociale, les études sont inabordables, la pension est uniquement privée, le traitement des déchets est inexistant, etc.

La question à se poser n’est donc pas de savoir si on paye trop, mais plutôt de réfléchir à « comment faire mieux ? ». Certes nous disposons d’une couverture sociale et de services publics relativement corrects, mais il est clair que la redistribution des richesses pourrait être plus efficace et surtout plus équitable. Notamment en termes de pression fiscale sur les revenus du travail, car cela fait plusieurs années que la productivité du travail augmente, sans que les salaires suivent pour autant. Certains revenus ne sont pas imposés du tout ou ne sont pas imposés de façon progressive (ce qui veut dire qu’au-delà d’un certain montant, l’impôt n’augmente plus du tout.) Des (grosses) entreprises bénéficient, par exemple, d’exonérations fiscales déloyales [17] ; sans parler de la fraude ou de l’évasion fiscale. Revoir ce système et résoudre ses failles permettraient donc, non seulement de baisser l’imposition sur les salaires les plus bas, mais aussi d’augmenter les recettes de l’État afin d’élargir ou de performer davantage la couverture de ces services et a fortiori, d’améliorer les conditions de vie des citoyennes et citoyens belges [18].

[1] C’est le principe de la Sécurité sociale. Pour en savoir plus : https://www.soralia.be/wp-content/uploads/2019/03/Femmes-plurielle_Mars2019.pdf.

[2] Terme fiscal définissant les personnes qui payent des impôts.

[3] Les services publics sont tantôt gratuits pour les citoyen·ne·s, tantôt l’intervention financière de l’État fait que leur coût est moins élevé.

[4] En sachant que certains impôts ne sont pas versés par la·le contribuable, mais bien prélevés à la source, comme le salaire par exemple. L’impôt est prélevé par l’employeur, avant le paiement du salaire net, qui le reverse par la suite à l’État.

[5] La TVA est incorporée dans le prix de vente.

[6] Impôt des Personnes Physiques : montant dû sur l’ensemble des revenus perçus par les personnes physiques en Belgique.

[7] Impôt des Sociétés : montant dû sur le bénéfice annuel réalisé par les sociétés dont le siège social, le principal établissement ou le siège de direction ou d’administration est établi en Belgique.

[8] Taxe sur la Valeur Ajoutée.

[9] Impôt payé lors de l’achat de boissons alcoolisées, certaines boissons non alcoolisées, produits du tabac et les produits énergétiques comme l’essence, le gaz naturel, le gasoil, etc.

[10] Impôt payé lors du paiement de dividendes ou d’intérêt.

[11] Impôt sur les biens « que l’on ne peut déplacer » : maison, appartement, terrain, garage, usine, prairie, etc.

[12] Impôt payé par l’employeur sur les rémunérations, bénéfices, profits, etc. de ses salarié·e·s et dirigeant·e·s d’entreprise. En ce qui concerne le salaire, ce montant est prélevé à la source et donc directement par l’employeur avant versement du salaire net aux salarié·e·s.

[13] Pour les couples qui font une déclaration commune.

[14] Mécanismes qui permettaient de déduire fiscalement le remboursement de son prêt hypothécaire jusqu’à un certain montant et qui ont pris fin le 31/12/2015.

[15] Avantage fiscal en matière de crédit hypothécaire en vigueur à partir du 01/01/2016 jusqu’au 31/12/2024 pour l’acquisition d’un bien immobilier propre (ce qui signifie que le bien doit être occupé par la personne qui est propriétaire du bien) et unique (la personne ne peut posséder d’autres habitations ; sauf exception).

[16] Montant total des recettes fiscales exprimé en % du PIB.

[17] On pense notamment aux véhicules de société, cartes essence, abonnements de téléphone, diminutions d’impôt sur les cotisations sociales, etc. qui signifient moins de cotisations pour les employeuses·eurs mais surtout, moins de recettes pour l’État.

[18] Pour en savoir plus sur la justice fiscale voir notre étude : Stultjens.E et Vierendeel F., « Une lecture féministe de la justice fiscale », Étude FPS, 2021,
et le site du Réseau Justice Fiscale

Oxfam - Julien Desiderio