Notre ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), s’est exprimé récemment sur sa volonté de réduire les allocations de chômage des femmes au foyer. Selon lui, si les femmes restent à la maison pour s’occuper des enfants ou d’un parent âgé ou malade, c’est parce qu’elles ne veulent pas travailler. Et les femmes  immigrées seraient celles qui profitent le plus du système en raison de leur culture !

Proclamer de telles informations, sexistes et racistes qui plus est, c’est non seulement ne pas connaître les réalités de vie de nombreuses femmes en Belgique mais c’est aussi et surtout, éviter de mettre le doigt sur les problèmes et les manquements de l’État permettant à ces femmes de rentrer sur le marché du travail, si elles le souhaitent.

Tout d’abord, le fait que ce sont les femmes qui supportent encore aujourd’hui la charge des enfants et des personnes dépendantes ainsi que du travail domestique au sein du foyer est loin d’être une surprise ! Les associations – et pas que féministes – tout comme de nombreuses analyses et études au niveau de la Belgique et de l’Europe dénoncent cette injustice depuis des décennies. Faut-il encore rappeler que cette division genrée du travail est discriminante pour les femmes et constitue un réel facteur de leur appauvrissement ? Car pendant que madame reste à la maison pour assurer le bien-être du foyer, elle ne peut ni accéder à un salaire décent qui lui permettrait d’être indépendante et autonome, ni remplir une carrière complète qui lui permettrait d’accéder à une pension suffisante pour vivre dignement ses vieux jours. Rappelons aussi qu’être femme au foyer ne signifie pas se tourner les pouces à longueur de journée. Gérer un foyer demande du temps et des compétences, comme un job à temps plein mais effectué gratuitement et dans l’ombre. Posez-vous la question, que vous soyez Ministre ou citoyen lambda, qui a très probablement, la plupart du temps, pris vos rendez-vous chez l’ophtalmologue, aéré votre chambre d’ado et surveillé votre scolarité pour que vous puissiez en être arrivé là aujourd’hui, en bonne santé physique et mentale ?

En ce qui concerne, cette fois, les facteurs qui permettraient réellement aux femmes d’entrer sur le marché du travail, et d’y rester, il est grand temps de remettre les pendules à l’heure ! Si les femmes restent au foyer, ce n’est très souvent pas par choix. Au contraire, des études réalisées en Belgique montrent qu’une grande majorité d’entre elles préfèreraient travailler ou travailler plus mais ne le peuvent pas à cause notamment :

  • Du manque de places en milieu d’accueil de la petite enfance, en centres d’accueil de jour ou en maison de repos ;
  • Du manque de transports en commun (surtout en région rurale) ;
  • De l’impossibilité à concilier vie privée et vie professionnelle – surtout quand les seuls emplois auxquels on peut prétendre imposent des horaires flexibles et décalés ;
  • Des emplois précaires – ou plutôt de misère – auxquels on les assigne comme celui de femmes de ménage ou d’aide-soignant·e (bas salaire, pénibilité du travail, pas d’accès à la formation ni à la représentation syndicale, etc.) ;
  • Ou encore des nouveaux métiers émergeant dans lesquels les hommes sont recrutés en priorité parce qu’ils seraient « naturellement » plus compétents dans ces domaines (innovation technologique, numérique, etc.)…

Enfin, n’oublions pas non plus que la prise en charge des enfants et autres personnes dépendantes ainsi que celle du travail domestique par les femmes constituent une économie énorme pour l’État. Car ce travail de soin qu’elles effectuent gratuitement, sans aide ni compensation, évite à l’État d’engager les dépenses nécessaires à la prise en charge professionnelle de ses citoyen·ne·s les plus vulnérables. Au contraire, on continue à ne pas prendre en compte et même, à dévaloriser tous les métiers dédiés au travail de soin à la personne. Probablement parce que ces personnes constituent plus une charge qu’un incitant financier et que d’un point de vue néolibéral, elles ne sont pas « rentables ».

Quant à cette énième gifle donnée aux femmes racisées, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ce sont elles qui remplissent les tâches les moins valorisées par notre société. Les femmes racisées sont celles que l’on retrouve le plus notamment dans les métiers de nettoyage des bureaux, des hôpitaux, des hôtels, c’est-à-dire les métiers essentiels pour le bon fonctionnement de notre société mais dont beaucoup ne voudraient pas et qu’elles exercent sans en avoir le choix !

Pour toutes ces raisons, Soralia, en tant que mouvement féministe et progressiste, condamne fermement toute forme de généralisation portant, une nouvelle fois, préjudice aux femmes.