Analyse réalisée par Julie Gillet

« Il ne faudrait pas que dans le féminisme aussi, les hommes prennent le pouvoir ! »

« Ne me libère pas, je m’en charge », clamaient les féministes en mai 68. La non-mixité est alors revendiquée haut et fort : le Mouvement de libération des femmes (MLF) voit d’un très mauvais oeil la présence d’hommes dans ses rangs. La sociologue engagée Christine Delphy1 dresse ainsi un portrait au vitriol de ceux qu’elle appelle avec ironie ses « amis » : « Tous ces amis, ces partisans masculins de la libération des femmes, ont plusieurs points communs : ils veulent se substituer à nous ; ils parlent effectivement à notre place ; ils approuvent la libération des femmes, et même la participation des susdites à ce projet, tant que libération et femmes les suivent et surtout ne les précèdent pas ; ils veulent imposer leur conception de la libération des femmes, qui induit la participation des hommes, et réciproquement ils veulent imposer cette participation pour contrôler la libération des femmes. […] Mais ce n’est pas tout : la vérité – une autre vérité – c’est qu’ils ne peuvent se résigner, eux qui sont les premiers partout, à ne plus l’être aussi là : or, là, ils ne peuvent manifestement pas l’être ». Le féminisme est alors pensé comme la politisation d’une expérience particulière, celle d’être femme, dans
un monde social caractérisé par les rapports de domination des hommes sur les femmes : il s’agit de ne pas reproduire ce schéma dans les groupes militants. C’est aux opprimées et à elles seules de défendre leur cause.

Fortement médiatisée dans les années 70, la question de l’engagement des hommes dans les mouvements féministes n’est cependant pas nouvelle. Les mobilisations dites de « la première vague » (1870-1940) étaient mixtes : c’est un homme, Léon Richer, qui fonde la première association féministe, l’Association pour les droits des femmes, en 1869. Les femmes, alors assimilées à des mineures sur le plan juridique, sont contraintes de s’appuyer sur des hommes, socialement habilités à porter leur parole dans l’espace public, pour faire entendre leur voix. Mais ces féministes de la première heure, progressivement regroupées en associations, vont organiser peu à peu les conditions de leur autonomie. Au début du XXe siècle, la plupart mettent en place des mesures restrictives concernant la participation des hommes, réservant leur pouvoir décisionnel aux seules femmes.

Lire l’analyse complète publiée en 2012: Analyse2012-hommes-et-feminisme1