Analyse réalisée par Eléonore Stultjens et Florence Vierendeel

La crise sanitaire que nous vivons actuellement nous interpelle toutes et tous. Celle-ci nous pousse à modifier soudainement nos modes de vie tout en mettant en lumière les failles du système dans lequel nous évoluons. Fermer les yeux n’est plus une option possible lorsque nous constatons l’urgence dans laquelle le secteur de la santé se trouve, en témoigne les nombreux reportages médiatiques et contenus relayés par les réseaux-sociaux.

Pour décoder ce contexte, il est important de comprendre les enjeux qui s’y cachent. Et pour ce faire, un bref rappel historique s’impose. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, un modèle de société va s’imposer en Europe occidentale : celui de l’État social (ou l’État Providence). Ce concept repose sur plusieurs piliers fondamentaux : la protection sociale, les services publics et le droit au travail. Le principe de base repose sur l’intervention de l’État dans une série de domaines, tels que le chômage, la pension et l’emploi, afin de garantir une sécurité à l’ensemble des citoyen·ne·s.

Cependant, à partir des années 1980, la succession de gouvernements d’obédience néolibérale va provoquer une dissolution progressive de l’État social. Pour rappel, le néolibéralisme, en tant que modèle économique, a pour objectif de favoriser l’afflux de capitaux dans le but de multiplier les investissements . Afin d’y parvenir, plusieurs stratégies sont de mise : réduction de l’intervention de l’État, des dépenses publiques, de la fiscalité… En Belgique, cela s’est traduit notamment par la dérégulation du travail (ex : les flexi-jobs) et la privatisation des services publics (ex : celle des télécommunications) et, plus récemment, par des attaques répétées à l’encontre de notre Sécurité sociale (ex : la réforme des pensions). Tant de mesures qui affaiblissent la solidarité et prônent le repli sur soi sécuritaire qui menace notre démocratie. S’y greffent alors des politiques dites « d’activation » qui placent sur les individus dits « défaillants » (la·le chômeuse·eur, la·e délinquant·e, etc.) la responsabilité de leur situation et non sur les épaules de la collectivité. C’est ce qu’on appelle l’État social actif.

Évidemment, ces choix politiques et économiques, qui ne tiennent pas compte de la distribution inégale des ressources, accentuent continuellement les inégalités sociales. Celles-ci sont d’autant plus prégnantes durant cette pandémie où certains groupes sociaux sont oubliés par les dirigeant·e·s politiques. Et pourtant, nous le verrons, notre pays, parmi les 30 plus riches du monde, possède les moyens de garantir l’accès et la qualité des soins à toutes et à tous. Mais le capitalisme mondial prône davantage le profit individuel des actionnaires du haut de l’échelle plutôt que la répartition des richesses dans l’intérêt collectif.

La crise n’est donc pas que sanitaire : elle est aussi politique, économique, sociale et démocratique. C’est ce que cette analyse se propose d’aborder, en plein cœur des événements actuels. Progressiste, mutualiste et féministe, notre mouvement se doit de se saisir des défis d’aujourd’hui et de demain en activant des leviers de compréhension et des pistes d’alternatives. Cette crise nous offre une magnifique opportunité : celle de repenser notre vision du monde et nos priorités.